L’OMS renforce la protection du système de santé au Cameroun par la mise en place du Système de Surveillance des Attaques contre l’Offre des Soins de Santé (SSA)
Dans les contextes de crises humanitaires et de conflits armés, les attaques contre les soins de santé constituent une violation grave du droit international humanitaire et un obstacle majeur à l’accès équitable aux services de santé. Ces attaques compromettent la continuité des soins, mettent en danger la vie des personnels de santé et des patients, et fragilisent durablement les systèmes de santé déjà éprouvés.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit une « attaque contre les soins de santé » comme « tout acte de violence verbale ou physique, toute obstruction ou menace de violence qui interfère avec la disponibilité, l’accès et la délivrance de services de santé curatifs et/ou préventifs, notamment en situation d’urgence ». Ces attaques peuvent viser le personnel de santé, les patients, les infrastructures sanitaires, les transports médicaux ou les fournitures de santé.
Face à l’ampleur et à la récurrence de ces incidents à l’échelle mondiale, l’OMS a mis en place le « Système de Surveillance des Attaques contre l’Offre des Soins de Santé (Surveillance System for Attacks on Health Care - SSA) », un mécanisme standardisé permettant de documenter, analyser et rendre visibles ces violations, tout en soutenant les efforts de protection et de plaidoyer.
Le SSA trouve son fondement juridique et institutionnel dans la Résolution WHA 65.20 de l’Assemblée mondiale de la Santé de 2012. Le paragraphe 2(8) de cette résolution demande au Directeur général de l’OMS « d’assurer un leadership mondial dans le développement de méthodes pour la collecte et la diffusion systématiques de données sur les attaques contre les établissements de santé, les agents de santé, les transports sanitaires et les patients, notamment dans les situations d’urgence humanitaire complexe ». Cette résolution marque une reconnaissance internationale du caractère systémique du phénomène et de la nécessité de produire des données fiables pour informer l’action humanitaire, les politiques publiques et le plaidoyer international. Le SSA est également soutenu par deux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui sont : (i) La Résolution 2286 (2016) qui exhorte les États membres et les Nations Unies à renforcer la collecte de données, les enquêtes, la sensibilisation et les mesures de redevabilité concernant les attaques contre les soins de santé ; (ii) La Résolution 2439 (2018), adoptée dans le contexte de l’aggravation de l’épidémie d’Ebola en République démocratique du Congo, mettant un accent particulier sur la protection des agents de santé. C’est dans ce cadre normatif que le SSA a été officiellement lancé en décembre 2017, comme mécanisme mondial de référence.
L’initiative « Attaques contre les soins de santé » de l’OMS repose sur trois piliers complémentaires : (i) La surveillance et la collecte standardisée des données, à travers des rapports d’incidents documentés selon des critères harmonisés ; (ii) L’analyse des tendances et de l’impact, permettant de mieux comprendre la nature des attaques et leurs conséquences sur l’offre de soins ; (iii) Le plaidoyer fondé sur les données, afin d’influencer les décideurs, renforcer la protection des soins de santé et promouvoir le respect du droit international humanitaire. En rendant visibles les attaques, le système contribue à la prévention, à la responsabilisation des acteurs et à la protection effective des soins de santé.
Pour la notification dans le système SSA jusqu’à la publication de l’attaque, les rôles et responsabilités sont clairement définis afin de garantir la fiabilité et la crédibilité des données collectées. Les partenaires du SSA, entendus comme des personnes ou des organisations disposant d’informations fiables sur des incidents, sont chargés de notifier les attaques à l’aide du formulaire dédié après leur survenue. Au niveau du bureau de pays de l’OMS, trois fonctions clés interviennent dans le processus : (i) le Responsable de la gestion de l’information (Information Management Officer – IMO) examine les formulaires soumis par les partenaires et élabore un rapport d’incident ; (ii) le Point focal SSA, généralement l’Incident Manager ou le Coordonnateur du Cluster Santé, analyse ce rapport et attribue un niveau de certitude ; (iii) enfin, le Représentant de l’OMS (WR) valide le rapport pour sa publication sur la plateforme publique du SSA. Ce processus structuré permet d’assurer que tous les incidents publiés sont systématiquement vérifiés et validés, renforçant ainsi la crédibilité et la valeur des données produites. Chaque incident est classé selon quatre niveaux de certitude : rumeur, possible, probable et confirmé, en fonction du type de sources disponibles (témoignages directs, partenaires SSA, preuves matérielles telles que photos ou vidéos). Cette gradation renforce la rigueur méthodologique du système.
Le SSA de l’OMS repose sur des principes éthiques stricts et des mécanismes rigoureux de protection des données afin de garantir la sécurité des informations et des sources. Il assure l’anonymisation complète des informateurs, le chiffrement des données collectées et s’abstient volontairement de recueillir des informations sur les auteurs des attaques, conformément au mandat de l’OMS. Le système établit également une distinction claire entre les données sensibles, qui ne sont pas rendues publiques, et les données pouvant être diffusées, telles que la date, le type d’attaque et son impact immédiat. Ces garanties constituent un élément central du SSA et sont essentielles pour protéger les sources, renforcer la confiance des partenaires et prévenir toute utilisation abusive des informations.
À ce jour, depuis son lancement en 2017, 24 pays et territoires rapportent régulièrement des attaques via le SSA (https://extranet.who.int/ssa/Index.aspx). Ces pays sont : Afghanistan, Arménie, Burkina Faso, Iran, Irak, Israël, Liban, Libye, Mali, Myanmar, Nagorno-Karabakh (Arménie/Azerbaïdjan), Nigeria, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Russie, Somalie, Soudan, Soudan du Sud, Syrie, Territoires palestiniens occupés, Thaïlande, Ukraine, Yémen. Aussi, plus de 9 000 incidents ont-ils été documentés, ayant entraîné plus de 4 000 décès et 6 800 blessés, illustrant l’ampleur mondiale du phénomène. Entre le 1er janvier et le 15 décembre 2025, la plateforme mondiale du SSA a enregistré 1 280 attaques contre les soins de santé dans 19 pays et territoires, ayant entraîné 1 971 décès et 1 146 blessés. Ces attaques ont affecté 877 formations sanitaires, 590 membres du personnel de santé, 440 patients, 392 transports sanitaires, 309 fournitures médicales et 142 entrepôts logistiques (Figure), confirmant que la protection des soins de santé demeure un enjeu humanitaire majeur à l’échelle mondiale.
Au cours du mois de novembre 2025, avec le concours du Bureau de l’Initiative « Attacks on Health Care (AHC) » au Siège de l’OMS à Genève, le Cameroun a franchi une étape majeure avec le démarrage effectif de la publication des attaques contre les soins de santé dans le cadre du SSA. Aussi, à date, 20 attaques ont été notifiés et publiés conformément aux standards du mécanisme mondial. La collecte continue dans les différentes régions humanitaires du Cameroun.
Les données SSA au Cameroun viennent compléter des travaux scientifiques, notamment l’étude publiée dans PLOS Global Public Health intitulée « It is because of the love for the job that we are still here », qui démontre l’impact significatif des attaques sur la santé mentale, le bien-être psychosocial et la disponibilité des agents de santé dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun.
Le SSA s’inscrit en complémentarité avec l’initiative Health Care in Danger (HCiD) portée par le Comité international de la Croix-Rouge, qui met l’accent sur la prévention des violences, la sensibilisation, le dialogue avec les porteurs d’armes et la promotion de l’éthique médicale. Dans ce cadre, la Direction générale de la protection civile et des opérations d’aide humanitaire européennes (DG ECHO), en collaboration avec le CICR, a organisé en mai 2025 à Yaoundé un atelier sur la protection des soins de santé en contexte d’insécurité et de conflit, avec la participation active de l’OMS et du Cluster Santé ainsi que d’autres partenaires humanitaires. Les échanges ont souligné la nécessité de renforcer la visibilité des attaques à travers des données fiables et harmonisées, d’améliorer la coordination entre acteurs humanitaires, sécuritaires et institutionnels, de consolider le plaidoyer fondé sur des preuves et de poursuivre les actions de sensibilisation au respect de la mission médicale, tout en assurant la cohérence des messages sur le terrain. Les participants ont enfin recommandé une articulation renforcée entre les initiatives HCiD et le SSA de l’OMS, un rôle accru du Cluster Santé dans la coordination et le partage d’informations, ainsi qu’un engagement durable des partenaires et des bailleurs. La mise en œuvre du SSA au Cameroun constitue, à n'en point douter, à la concrétisation des recommandations de cet atelier. La pérennité et la qualité des notifications à travers le SSA reposent sur un partenariat solide et une collaboration étroite avec l’ensemble des acteurs de terrain, en particulier les autorités sanitaires aux niveaux central et régional, ainsi qu’avec les partenaires humanitaires et sécuritaires clés, notamment le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), les Mouvements de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, le Département de la sûreté et de la sécurité des Nations Unies (UNDSS), le Réseau international de sécurité des organisations non gouvernementales(INSO), ainsi que les organisations non gouvernementales internationales et nationales, entre autres.
En conclusion, la mise en œuvre du Système de Surveillance des Attaques contre les Soins de Santé (SSA) au Cameroun constitue une avancée stratégique majeure pour la protection du système de santé et la préservation de l’accès aux services essentiels. En produisant des données fiables, vérifiées et exploitables, le SSA renforce les capacités nationales et internationales de prévention, de plaidoyer et de réponse face aux attaques, tout en contribuant à la protection des agents de santé, des infrastructures et des patients. Conformément aux résolutions de l’Assemblée mondiale de la Santé, notamment la WHA 65.20, ainsi qu’aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies, la protection des soins de santé en situation de crise ne saurait être considérée comme une option, mais comme une obligation humanitaire, juridique et éthique collective. À ce titre, l’Organisation mondiale de la Santé, en tant qu’agence chef de file du Cluster Santé au Cameroun, s’engage à renforcer la coordination avec les autorités nationales et les partenaires, à soutenir la notification systématique et de qualité des incidents via le SSA, et à promouvoir l’utilisation des données pour le plaidoyer et l’action opérationnelle. Il est dès lors essentiel que l’ensemble des parties prenantes – autorités nationales, partenaires humanitaires, acteurs sécuritaires et bailleurs – renforcent leur engagement et traduisent les données en actions concrètes, afin de garantir que les soins de santé puissent être dispensés, partout et en tout temps, sans violence ni entrave.
Chargée de communication
OMS Cameroun
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